Les médias sociaux au Cameroun intensifient les tensions politiques et ethniques déclenchées par l’élection présidentielle contestée de 2018 – c’est ce que révèle un rapport de l’International Crisis Group.
Selon l’ICG, les plateformes de médias sociaux, en particulier Facebook, devraient améliorer le filtrage des contenus toxiques et promouvoir des pages vérifiées pour réduire les tensions.
Le rapport de l’ICG indique que le Cameroun est déjà confronté à de graves problèmes de sécurité et qu’il devrait trouver un moyen d’apaiser les tensions politiques et de mettre fin aux propos offensants, tels que les insultes à caractère ethnique, qui font sombrer le pays d’Afrique centrale dans la violence.
Arrey Elvis Ntui, l’analyste principal de l’ICG pour le Cameroun, affirme que les discours de haine et les tensions interethniques ont augmenté depuis le sondage d’octobre 2018. Selon lui, le problème des discours de haine pourrait mettre en danger la stabilité du Cameroun.
« Cette période a également été marquée par de nombreuses manifestations de rue. Le pays est actuellement confronté à une insurrection séparatiste dans ses régions anglophones. De plus, l’armée fait face à l’insurrection de Boko Haram dans l’extrême nord du pays avec des attaques presque quotidiennes. Le Cameroun ne peut pas se permettre de laisser les tensions ethniques et politiques auxquelles il est confronté s’élever à des niveaux où elles pourraient constituer une violence intercommunautaire », a déclaré M. Ntui.
Le président Paul Biya, qui est au pouvoir depuis 38 ans, a été déclaré vainqueur des élections. Sa victoire est toujours contestée par le chef de l’opposition Maurice Kamto, qui insiste pour que ce soit lui, et non Biya, qui l’emporte dans les sondages.
Selon M. Ntui, le Cameroun peut éviter un glissement vers l’instabilité en réformant son système électoral.
» [L’]International Crisis Group propose que le Cameroun renforce ses institutions chargées de lutter contre les discriminations et d’améliorer sa politique de vivre ensemble. Il s’agit notamment de discussions avec l’opposition extra-parlementaire afin de revoir le système électoral pour le rendre plus acceptable », a-t-il déclaré.
Ntui a déclaré que le parti RDPC au pouvoir et l’opposition devraient prendre des mesures pour remédier aux excès de leurs partisans sur les médias sociaux, en particulier Facebook. Il a ajouté que Facebook lui-même devrait également aider à contrôler le langage incendiaire, le contenu provocateur et les fausses nouvelles qui, selon lui, contribuent à enflammer les tensions ethniques et politiques dans le pays.
Le porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi, a déclaré que les médias sociaux étaient à l’origine d’un nombre croissant de discours haineux. Il a blâmé les partis d’opposition qui, selon lui, veulent affaiblir le pouvoir de Biya.
« Le gouvernement de la république fait appel à la majorité du peuple camerounais qui ne s’est jamais laissé égarer par des politiciens sans scrupules. Le gouvernement, par ma voix, exhorte les Camerounais, hommes et femmes, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, à contrecarrer les manœuvres déstabilisatrices, d’où qu’ils viennent », a déclaré M. Sadi.
Le rapport de jeudi arrive à un moment où les ONG et les groupes de journalisme au Cameroun mettent en garde contre l’utilisation des organes de presse pour propager des discours de haine.
Rose Obah, la coordinatrice nationale du Réseau des médias communautaires du Cameroun, a déclaré que les journalistes ne devraient pas être utilisés comme des outils de propagande.
« Nous venons juste pour conseiller à nos membres du Réseau des médias communautaires du Cameroun ainsi qu’aux autres journalistes d’être les premiers à exercer une sorte de censure autour des discours de haine et des fausses nouvelles. De telles paroles sont malsaines. De tels propos ne font qu’inciter à plus de violence et avec notre principal outil, le journalisme de paix, nous l’utilisons pour encourager les journalistes et les rédacteurs en chef à encourager une société pacifique », a déclaré M. Obah.
Selon l’ICG, le président Biya devrait se méfier de laisser derrière lui un pays déchiré par les combats et le sentiment séparatiste dans les zones anglophones mais aussi par des tensions plus larges, mettant en danger les relations interethniques relativement amicales du Cameroun.