Les affrontements entre tribus rivales au Darfour ont fait plus de 130 morts, deux semaines après la fin d’une mission de paix dans la région instable de l’ouest du Soudan.
Cette violence est la plus meurtrière depuis la fin, le 31 décembre, de la mission de paix conjointe des Nations unies (MINUAD) et de l’Union africaine (UA) au Darfour, qui opère dans cette vaste région depuis 13 ans.
Lundi, au moins 47 personnes auraient été tuées, tandis que 83 personnes sont mortes lors d’affrontements distincts le week-end dernier.
L’agence officielle soudanaise Suna, citant la branche locale du syndicat des médecins, avait précédemment fait état d’un bilan de 48 morts et 97 blessés, et a déclaré que les affrontements se poursuivaient.
« Le nombre de décès dus aux événements sanglants qui ont eu lieu à El-Geneina, capitale du Darfour occidental, a augmenté depuis samedi matin (…) et 160 blessés, dont des membres des forces armées », a déclaré dimanche sur Twitter le Comité central des médecins soudanais, proche du mouvement de protestation qui a conduit l’année dernière à la chute du président Omar al-Bashir.
Des affrontements ont éclaté entre la tribu Al-Massalit et les nomades arabes suite à une dispute entre deux individus. Des milices armées de la région sympathisantes des nomades arabes ont alors attaqué El-Geneina et plusieurs maisons ont été incendiées, selon des témoins.
Khartoum a imposé un couvre-feu au Darfour occidental depuis samedi et le Premier ministre Abdullah Hamdok y a envoyé une délégation « de haut rang » pour tenter de rétablir l’ordre.
Pour sa part, l’ONU a exprimé sa « profonde inquiétude » face à ces développements violents.
« Le Secrétaire général (de l’ONU, Antonio Guterres) appelle les autorités soudanaises à tout mettre en œuvre pour désamorcer la situation, mettre fin aux combats, rétablir l’ordre public et assurer la protection des civils », a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, dans un communiqué.
La branche locale du syndicat des médecins a appelé les autorités à « sécuriser les installations sanitaires », avertissant que le nombre de blessés risque d’augmenter, selon Suna.
Dimanche, Abdel Fattah al-Burhane, président du Conseil Souverain chargé de piloter la transition politique au Soudan, a convoqué une réunion d’urgence des services de sécurité sur la question.
Pour sa part, l’Association des professionnels soudanais, l’un des fers de lance du mouvement de protestation, a déclaré que la violence s’était étendue aux camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays.
« Une partie du camp de Kerindig a été incendiée et des dégâts importants (…) ont forcé les gens à partir », a-t-elle déclaré dans un communiqué. « Ces événements ont montré que la propagation des armes (…) est l’une des principales causes de la détérioration de la situation.
Le Darfour connaît une recrudescence des affrontements tribaux, qui ont fait 15 morts et des dizaines de blessés à la fin du mois de décembre, quelques jours avant la fin de la mission de paix conjointe ONU-UA.
Le retrait progressif des troupes de cette mission, qui doit commencer en janvier 2021, s’étalera sur six mois. Le gouvernement soudanais prend ainsi la responsabilité de la protection des populations de la région.
La terre, l’eau
Le conflit au Darfour a commencé en 2003 entre les forces loyales au régime du général Omar al-Bashir à Khartoum et les membres des minorités ethniques qui se considéraient comme marginalisés et demandaient une répartition plus équitable du pouvoir et des richesses.
Selon l’ONU, les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de personnes déplacées, principalement au cours des premières années du conflit.
Pour combattre les insurgés, le gouvernement Bashir avait déployé les Janjawids, une milice armée composée principalement de nomades arabes, accusés de « nettoyage ethnique » et de viol. Des milliers de miliciens ont ensuite été incorporés dans les Forces de soutien rapide (RSF), un groupe paramilitaire.
Si la violence a diminué en intensité, les affrontements pour l’accès à la terre et à l’eau entre les pasteurs arabes nomades et les agriculteurs du Darfour restent fréquents.
Le gouvernement de transition soudanais – installé après la chute de l’autocrate Omar al-Bashir sous la pression de la protestation populaire – a signé un accord de paix en octobre avec plusieurs groupes rebelles, notamment au Darfour.
Après la MINUAD, qui compte jusqu’à 16 000 hommes, l’ONU restera au Soudan par le biais d’une mission intégrée des Nations unies pour l’assistance transitoire au Soudan (UNAMIS).
Cette mission politique aura pour tâche d’aider le gouvernement de transition, installé en août 2019 et issu d’un accord entre les militaires et les dirigeants du mouvement de protestation. Elle contribuera également à la mise en œuvre des récents accords de paix dans les zones ravagées par le conflit.
Omar al-Bashir, en prison, et d’autres responsables soudanais sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes contre l’humanité » et « génocide » au Darfour.