La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé l’acquittement de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, accusé de crimes contre l’humanité.
Cette décision ouvre la voie à son retour en Côte d’Ivoire, où il reste une personnalité influente.
Il avait été inculpé dans le cadre des violences qui ont suivi une élection contestée en 2010 et qui ont fait 3 000 morts.
Premier ancien chef d’État à être jugé par la CPI, il avait nié toutes les allégations relatives à ce bain de sang.
Cette affaire a été considérée comme un test de la capacité de l’institution à gérer des personnalités très en vue, rapporte Anna Holligan de la BBC depuis La Haye.
Quelle a été la réaction à ce jugement ?
M. Gbagbo, 75 ans, a levé le pouce devant le tribunal des crimes de guerre de La Haye après le jugement, rapporte l’agence de presse AFP.
Ses partisans, rassemblés sur l’herbe devant le tribunal, étaient en liesse.
En Côte d’Ivoire, on dansait et chantait dans une banlieue pro-Gbagbo de la ville principale d’Abidjan.
« Nous disons que l’Afrique entière vient d’être libérée aujourd’hui….. C’est pour cela que nous sommes devenus fous. Ce jour restera gravé dans nos mémoires », a déclaré à l’AFP Jean Gossé, un partisan.
L’ancien président comparaissait aux côtés de son allié et ancien dirigeant de la jeunesse Charles Ble Goude, accusé d’avoir dirigé une milice le soutenant.
Ils ont tous deux été acquittés en 2019, mais l’accusation avait fait appel de ce qui était considéré comme la décision choc de les innocenter.
Il a fait valoir que des erreurs de procédure avaient été commises dans la manière dont le verdict initial avait été rendu et a insisté sur le fait que des milliers de documents et 96 témoins présentés au cours du procès avaient prouvé leur culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.
Mais le juge président Chile Eboe-Osuji a déclaré : « La chambre d’appel, à la majorité, n’a trouvé aucune erreur qui aurait pu affecter matériellement la décision de la chambre de première instance.
« La Chambre d’appel révoque par la présente toutes les conditions restantes de la libération de M. Gbagbo et de M. Ble Goude à la suite de ce jugement. »
M. Gbagbo vit à Bruxelles, la capitale belge, depuis sa libération il y a deux ans.
Son successeur et ancien rival, le président Alassane Ouattara, l’a invité à rentrer en Côte d’Ivoire, qui s’efforce toujours de trouver la stabilité politique.
Issiaka Diaby, président d’une association de victimes de la guerre civile, a déclaré à l’agence de presse Reuters : « Nous sommes contre cette décision de la CPI car les victimes ont été oubliées ».
Quelles étaient les accusations portées contre lui ?
Les violences en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, ont éclaté après que M. Gbagbo a refusé d’accepter qu’il avait perdu le second tour d’une élection contestée face à M. Ouattara en 2010.
Les cinq mois de violence qui ont suivi ont été décrits comme les affrontements les plus brutaux que le pays ait jamais connus.
Au cours de l’impasse politique, des affrontements sanglants et des assassinats ciblés ont eu lieu à Abidjan, dans le sud, et plusieurs centaines de personnes ont été massacrées dans la ville de Duekoue, dans l’ouest du pays.
Les procureurs ont déclaré que M. Gbagbo s’accrochait au pouvoir « par tous les moyens » et l’ont inculpé de quatre chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité, meurtre, viol et autres formes de violence sexuelle, persécution et « autres actes inhumains ».
L’ancien président, qui a été capturé en avril 2011, caché dans un bunker du palais présidentiel, a déclaré que les accusations étaient politiquement motivées.
Qu’est-ce que cela signifie pour la CPI ?
Chaque fois qu’une affaire échoue à la CPI, cela nuit à la perception de la Cour en tant qu’outil crédible de justice internationale, explique notre journaliste.
Les juges d’appel ont convenu que les preuves dans cette affaire étaient extrêmement faibles, ce qui soulève des questions sur la façon dont ce procès a pu aller aussi loin, dit-elle.
Ce n’est pas la première affaire qui échoue à la CPI.
La procureure sortante de la Cour, Fatou Bensouda, a perdu en 2018 un appel contre l’acquittement de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, qui avait été accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Le président kényan Uhuru Kenyatta a également vu les accusations de crimes contre l’humanité pour des violences post-électorales abandonnées par Mme Bensouda en 2014.
L’accusation a accusé le gouvernement de ne pas avoir remis des preuves vitales et a déclaré que les efforts avaient également été entravés par un effort sans précédent d’intimidation et d’interférence avec les témoins.
Mme Bensouda a déclaré que le jugement de mercredi serait analysé pour « apprécier pleinement sa raison d’être et son importance pour notre travail », et a ajouté que les enquêtes sur les crimes de guerre présumés en Côte d’Ivoire se poursuivraient.