Les Etats-Unis ont renvoyé lundi dans son pays natal un détenu marocain de Guantanamo Bay, le premier transfert de ce type sous l’autorité de Joe Biden, Washington réaffirmant son objectif de fermer cette prison controversée.
Abdellatif Nacer, né en 1965 à Casablanca, avait rejoint les forces d’Al-Qaïda en Afghanistan, où il a combattu l’armée américaine en 2001. Il a été remis aux autorités marocaines lundi matin, selon le Pentagone.
A Rabat, la justice a annoncé lundi l’ouverture « d’une enquête avec l’intéressé pour son implication présumée dans la commission d’actes terroristes. Les effets juridiques seront déterminés par le parquet à la lumière des résultats de l’enquête », a indiqué le parquet dans un communiqué.
Son transfert porte à 39 le nombre de détenus dans la tristement célèbre prison militaire érigée en 2002 sur la base militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, pour héberger des prisonniers de guerre présumés complices d’Al-Qaïda.
Dix autres prisonniers qui ne sont plus considérés comme une menace pour la sécurité nationale des États-Unis ont déjà reçu leur ordre de libération et 17 autres pourraient les rejoindre. Leur départ de Guantanamo dépend de la volonté de leur pays d’origine ou d’un pays tiers de les accepter.
Détenus transférables
« L’administration Biden reste attachée à un processus réfléchi et prudent visant à réduire de manière responsable la population carcérale et, à terme, à fermer Guantanamo », a déclaré aux journalistes un haut responsable de l’administration qui a requis l’anonymat.
Elle n’a pas précisé combien de négociations étaient en cours avec des pays susceptibles d’accueillir des détenus transférables et quels pays étaient concernés.
Dans un communiqué, le département d’État a salué les efforts du Maroc pour accueillir Abdellatif Nasser, et a saisi l’occasion pour appeler les autres pays à rapatrier leurs ressortissants djihadistes de Syrie, où ils sont emprisonnés dans des camps gérés par les Forces démocratiques syriennes, alliées des États-Unis.
« Le rôle de leader du Maroc dans le rapatriement d’Abdellatif Nacer, ainsi que sa bonne volonté passée à faciliter le retour des djihadistes qui ont combattu dans le nord-est de la Syrie, devraient encourager d’autres pays à rapatrier leurs citoyens », a noté le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.
Une porte-parole de l’organisation de défense des droits individuels ACLU a salué le départ du détenu marocain. « C’est une honte qu’Abdellatif Nasser continue de croupir à Guantanamo cinq ans après avoir été jugé transférable », a déclaré Hina Shamsi de l’ACLU. « Mettre fin à deux décennies de détention militaire injuste et abusive de musulmans à Guantanamo est une obligation humanitaire et une nécessité de sécurité nationale. »
L’administration Obama
La libération d’Abdellatif Nacer, accusé d’avoir fourni des armes à Al-Qaïda mais jamais inculpé, avait été recommandée par l’administration Obama en 2016, « sous réserve de garanties de sécurité et de traitement humain » selon le Pentagone, mais il est resté emprisonné sous la présidence de son successeur, Donald Trump.
Barack Obama avait ordonné la fermeture de Guantanamo en janvier 2009, à son arrivée au pouvoir, avec l’idée de faire juger les prisonniers par des tribunaux civils. Mais la décision, très impopulaire, a été bloquée au Congrès. Au lieu de cela, il a discrètement libéré des centaines de détenus dont la libération avait été approuvée par la commission de révision présidentielle.
Ces libérations ont été interrompues sous Donald Trump. Elles ont repris sous Joe Biden, cinq détenus ayant vu leur libération approuvée depuis janvier. « Notre objectif est de fermer Guantanamo », a répété lundi la porte-parole de Joe Biden, Jen Psaki, sans avancer de date pour la fermeture du centre de détention militaire.
Détention illégale
La prison de Guantanamo Bay a été ouverte en 2002, sur le sol américain à Cuba, pour détenir des membres d’Al-Qaïda et des complices présumés des auteurs des attentats du 11 septembre 2001. La prison est devenue une épine dans le pied de Washington, accusée de détention illégale, de violations des droits de l’homme et de torture. Elle a détenu jusqu’à 780 « prisonniers de guerre », dont la plupart ont été incarcérés malgré les faibles preuves de leur implication. Beaucoup ont été torturés dans des sites secrets de la CIA avant d’être transférés à Guantanamo.
Dix détenus de Guantanamo, dont Khalid Sheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001, attendent d’être jugés par une commission militaire, qui n’a prononcé que deux condamnations en deux décennies.