Environ deux semaines après l’annonce, par le président Kaïs Saïed, de quatre décisions qualifiées d’historiques, la Tunisie semble parcourir, selon certains analyses, une « voie à sens unique » où un éventuel faux pas pourrait être lourd de conséquences sur le triple plan local, régional et international.
Actuellement, les institutions de l’Etat tunisien évoluent, sous la direction de la présidence de la République, certes, mais sans gouvernement vu que le président Saïed n’a pas encore désigné un nouveau chef pour la primature. Certains ministres ont été démis alors que d’autres assurent l’intérim.
En effet, le président tunisien, Kaïs Saïed, avait annoncé (le 25 juillet écoulé, activant l’article 80 de la Constitution) le limogeage du chef du gouvernement, Hichem Mechichi, le gel des activités de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP, parlement) pour 30 jours renouvelables, la levée de l’immunité parlementaire ainsi que la prise en main du pouvoir exécutif.
« Tout retard dans la nomination d’un nouveau chef de gouvernement affecte directement la situation générale, surtout au niveau de la dynamique des institutions de l’Etat et le fonctionnement des ministère », a confié, samedi à Xinhua, l’analyste tunisien Nizar Makni.
Spécialiste et universitaire en géopolitique stratégique, Makni pense que le choix du nouveau chef du gouvernement « devra impérativement être bien étudié (…) sinon, nous retrouverons la case départ, soit un sommet de pouvoir éparpillé entre les trois pôles, soit la présidence de la République, du gouvernement et celle du parlement ».
Un autre souci, de taille, se présente face au président Kaïs Saïed, à savoir l’approbation de la composition d’un nouveau gouvernement au moment où les activités du parlement sont suspendus, provisoirement.
Selon l’analyste, l’ARP a déjà perdu la confiance du peuple qui lui a donné son vote (élections législatives) et a réclamé, le 25 juillet écoulé sa dissolution. D’un autre côté, ce parlement pourrait, effectivement, être dissous si certains partis seront condamnés par la justice, en fonction des rapports de la Cour des comptes portant sur des soupçons de fraudes électorales.
Sur un autre plan, une nouvelle vague, plus féroce de propagation de la pandémie de COVID-19 en Tunisie n’a fait qu’aggraver la situation qui devient de plus en plus complexe sous prétexte que le pays devient plus « transparent » sur la scène internationale.
Dans ce sens, Nizar Makni pense que la communauté internationale « a manifesté certaines craintes quant à la préservation du processus démocratique en Tunisie (…) mais certains pays étrangers n’apercoivent que la partie émergée de l’iceberg et ignorent les profondeurs des décisions du président Kaïs Saïed ».
Et de poursuivre que « le chef de l’Etat a pris ces décisions après avoir été avisé quant à l’existence de certaines menaces et dangers qui risquent de détruire l’Etat, handicaper le bon fonctionnement de ses rouages mais surtout saboter le processus de lutte contre l’épidémie et l’approche de sortie de la crise socioéconomique du pays ».
« Ce qui constitue un danger éminent pour la démocratie tunisien, commente M. Makni, n’est autre que la persistance des mesures provisoires exceptionnelles ».
Du côté sanitaire, les récentes décisions du président Kaïs « ont contribué, contrairement à ce que pensent certains, à atténuer la prorogation de la pandémie grâce, notamment, aux importantes doses de vaccins et d’oxygène reçues dernièrement ».
Les décisions du président tunisien ont eu un certain effet mitigé et adouci auprès de certains pays partenaires et amis à la Tunisie, alors que pour d’autres, M. Saïed n’a fait que prendre un choix risqué qui pourrait mener au chaos et à une escalade de violence.
« Certains pays arabes anti-islamistes, dont l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite ont manifesté une certaines compréhension quant aux choix du président Kaïs Saïed du fait que cela pourrait aider à se débarrasser de la présence des frères musulmans dans la région ».
Pour ce qui est de la position européenne par rapport au développement de la situation en Tunisie, « le vieux continent essaye de tenir le bâton par le milieu : selon l’UE, il ne s’agit pas d’un coup d’Etat, mais certaines craintes surgissent quant à protection des droits et libertés et au processus de transition en Tunisie », a expliqué l’universitaire tunisien.
Aux Etats-Unis, a-t-il ajouté, « la réaction est paradoxalement incompréhensible. D’un côté, des rapports prouvent un lobbying américain en faveur du parti islamiste Ennahdha (majoritaire au parlement et allié du pouvoir en Tunisie) et, de l’autre côté, les positions du Congrès et de la Maison Blanche sont contradictoires en quelques sortes ».
Xinhua