Selon une enquête d’un consortium international de journalistes, le Premier ministre ivoirien détenait jusqu’en 2006 une société offshore aux Bahamas. L’intéressé dément toute fraude et s’explique.
C’est une affaire dont ce technocrate rigoureux se serait bien passé. Depuis dimanche 3 octobre, le nom de Patrick Achi fait la une des médias ivoiriens et étrangers aux côtés de ceux de plusieurs dirigeants internationaux accusés d’évasion fiscale par les Pandora Papers.
Cette enquête menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (Icij), qui a mobilisé environ 600 enquêteurs du monde entier et qui s’appuie sur quelque 11,9 millions de documents, dévoile une série de montages financiers à des fins d’évasion fiscale ou de blanchiment, via des dizaines de milliers de sociétés offshore.
Au moment où son gouvernement a lancé des « opérations coups-de-poing » contre la corruption dans les services publics, l’affaire embarrasse inévitablement Patrick Achi. Souvent décrit comme un modèle de grand commis de l’État, ce proche du président Alassane Ouattara est considéré par beaucoup comme un de ses successeurs potentiels.
Selon l’enquête de l’Icij, le Premier ministre est devenu en 1998 propriétaire d’une société basée aux Bahamas, Allstar Consultancy Services Ltd, alors qu’il était conseiller au ministère de l’Énergie. « Achi possédait les actions de [cette] société par le biais d’un accord de confiance, ce qui signifiait que son nom n’était pas enregistré sur les documents officiels, masquant ainsi sa propriété, écrit l’Icij sur son site consacré aux Pandora Papers.
Achi a créé la société par l’intermédiaire d’un spécialiste de l’offshore basé à Londres et, en 2006, il en a transféré la gestion au bureau du cabinet d’avocats Alemán, Cordero, Galindo & Lee (Alcogal), basé aux Bahamas. En 2006, Alcogal est devenu l’agent enregistré d’Allstar Consultancy Services Ltd. »
Motivations indéterminées
Les services du Premier ministre démentent les accusations de l’Icij. Patrick Achi « ne permettra plus que son nom puisse être amalgamé avec des agissements illicites et ainsi sali par des esprits aux motivations indéterminées », répondent-ils. Selon eux, Patrick Achi, « en tant que consultant privé », « a créé, en 1996, à Abidjan, la société Stratégie et Management Consultants qui est intervenue pour de nombreux clients privés et publics en Côte d’Ivoire », et a toujours « rempli ses obligations légales, fiscales et sociales ».
Puis il a, « dans la perspective de missions à l’international », « immatriculé une société en 1998 à l’étranger » mais cette entreprise n’a en fait « jamais eu aucune activité », est-il écrit, « Patrick Achi s’en est donc séparé en 2006. Et évidemment, elle n’a jamais servi de support à la moindre évasion fiscale, à la moindre transaction illicite, au moindre détournement de fonds publics, à la moindre activité illégale, poursuivent-ils.
Sollicités par Jeune Afrique, les services du Premier ministre concluent : « Nos concitoyens comprendront qu’en tant que Premier ministre de la Côte d’Ivoire, Patrick Achi ne laisse pas cette histoire ralentir le travail du gouvernement et ne s’y attarde pas. »
Pour l’instant, le Premier ministre comme le président Alassane Ouattara, n’ont pas publiquement réagi à cette affaire. Mais nul doute qu’il en a été question dans les coulisses du conseil des ministres, qui se tient ce mercredi au palais présidentiel.
Jeune Afrique