Aux Etats-Unis, les démocrates financent les primaires républicaines pour tenter de désigner des candidats potentiellement plus faciles à battre. Les républicains transportent des migrants dans les villes dirigées par les démocrates pour protester contre la politique d’immigration. Les deux partis pratiquent le truquage pour prendre l’avantage. L’ancien président Donald Trump fait l’objet d’une enquête du FBI, tandis que Paul Pelosi, le mari de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, a été victime d’une agression à son domicile.
Un tel drame politique, qui semble sans fin à l’approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, a révélé l’horrible vérité de la démocratie américaine : les élections sont des spectacles politiques qui trompent le peuple américain. La soi-disant démocratie est, en fait, un jeu de pouvoir et d’argent.
« NOUS JOUONS AVEC LE FEU »
Les élections ont longtemps été présentées par les Etats-Unis comme l’incarnation de la démocratie. Dans ce pays, le système électoral est un système à deux partis dans lequel le parti démocrate et le parti républicain dominent le champ politique.
Ce système a intensifié les luttes partisanes, conduisant à la division politique et à l’extrémisme dans l’ensemble du pays. Au milieu de ces luttes incessantes, les questions en suspens concernant le bien-être du peuple américain, comme la violence armée, le droit à l’avortement, l’inflation, les épidémies de COVID-19 et de variole du singe, ne sont toujours pas réglées.
Les élections de mi-mandat de cette année ne font pas exception mais sont encore plus étranges. Les démocrates financent des publicités pour soutenir les républicains d’extrême droite qu’ils jugent plus faciles à battre.
Selon un article du quotidien The Washington Post, dans au moins neuf Etats américains, dont le Colorado, l’Illinois et le Maryland, les démocrates ont dépensé plus de 53 millions de dollars pour soutenir des candidats républicains plus extrêmes.
Le Washington Post révèle que Doug Mastriano, le candidat républicain dans l’Etat clé de Pennsylvanie, a de réelles chances de remporter la victoire grâce à un coup de pouce supplémentaire du candidat démocrate au poste de gouverneur, Josh Shapiro, qui a financé des publicités pour Doug Mastriano pendant les primaires de cet Etat.
« Je vais devoir lui envoyer une carte de remerciement », a plaisanté M. Mastriano à propos de M. Shapiro lors d’un entretien avec les médias locaux.
La lutte partisane devient de plus en plus dramatique à mesure que la date des élections approche. Depuis septembre, des bus remplis de migrants ont été déposés devant la résidence de la vice-présidente Kamala Harris. La semaine dernière, Paul Pelosi a été agressé par un assaillant qui s’est introduit dans son domicile de San Francisco.
La concurrence anormale entre les deux partis n’a rien à voir avec les intérêts réels du peuple américain, qui est de plus en plus mécontent des cercles d’élite de Washington.
Selon un sondage de l’université Quinnipiac réalisé en août, 67% des personnes interrogées, démocrates et républicaines, pensent que la démocratie américaine risque de s’effondrer.
« Nous jouons avec le feu », a averti l’ancien leader démocrate de la Chambre des représentants, Richard Gephardt. « La démocratie est une chose fragile ».
UN SYSTEME QUI TROMPE LES GENS
Il y a plus de 200 ans, les Etats-Unis ont choisi la démocratie représentative lors de leur fondation, d’où la naissance du collège électoral américain. « Injuste dès le premier jour », voilà comment le journal américain The New York Times a décrit ce système.
Vue sous l’angle de l’histoire, l’expression de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis selon laquelle « tous les hommes sont créés égaux » est ironique, étant donné que les hommes blancs jouissent de privilèges démesurés aux Etats-Unis.
Les femmes blanches ont obtenu le droit de vote en 1920 avec l’adoption du 19e amendement. Les Amérindiens n’ont obtenu la citoyenneté qu’en 1924, et leur droit de vote n’a été reconnu légalement dans tous les Etats qu’en 1962.
Les Afro-Américains ont obtenu le droit de vote en 1870, mais ce droit n’a pas été pleinement exercé avant le mouvement des droits civils dans les années 1960. De nos jours, les Afro-Américains pauvres sont toujours confrontés à de nombreux obstacles, même pour se rendre aux urnes. De 1870 à 2021, de Hiram Revels à Rafael Warnock, les Etats-Unis n’ont eu que onze sénateurs afro-américains au cours du dernier siècle et demi.
Aujourd’hui, les Américains semblent être habilités par leurs droits à se présenter aux élections et à voter. Pourtant, le système électoral des Etats-Unis est essentiellement monopolisé par un très petit nombre.
Il subsiste toujours un écart évident entre la composition du Congrès et la structure démographique des Etats-Unis, et les minorités ethniques y sont toujours largement sous-représentées. Selon les statistiques publiées par le Pew Research Center, les Américains blancs non hispaniques représentent 77% des membres votants du Congrès actuel, ce qui est considérablement plus important que leur part de 60% de la population américaine globale.
Le truquage est un type de manipulation politique typiquement américain des limites des circonscriptions électorales visant à créer un avantage indu pour un parti, un groupe ou une classe socio-économique au sein de la circonscription. Il doit son nom à l’homme politique américain Elbridge Gerry, gouverneur du Massachusetts en 1812, qui a signé une loi créant une circonscription partisane dans la région de Boston, comparée à la forme d’une salamandre mythologique.
Les Etats américains redessinent les circonscriptions du Congrès une fois par décennie sur la base des résultats du recensement de la population, ce qui offre une échappatoire au parti en place dans un Etat pour se conférer un avantage.
Cette manipulation comporte deux grandes tactiques : l’une est le « craquage », qui consiste à diluer le pouvoir de vote des partisans du parti adverse dans de nombreuses circonscriptions, et l’autre est le « tassement », qui consiste à concentrer le pouvoir de vote du parti adverse dans une circonscription pour réduire son pouvoir de vote dans d’autres circonscriptions. Grâce à cette manipulation, les politiciens sont en mesure de choisir leurs électeurs et non l’inverse.
Par exemple, les Afro-Américains représentent 27% de la population de l’Etat américain de l’Alabama. Après le recensement de 2020, 60% des Afro-Américains de l’Alabama ont été affectés à une circonscription du Congrès, ce qui a entraîné une proportion plus faible d’Afro-Américains dans les autres circonscriptions. Par conséquent, il était difficile pour leurs votes d’avoir un impact sur les élections dans ces circonscriptions.
L’iniquité est largement répandue dans le système électoral américain. Selon un rapport publié par le Brennan Center for Justice de l’université de New York en mai, 18 Etats américains ont adopté 34 lois électorales restrictives depuis 2021, qui pourraient affecter de manière disproportionnée les électeurs de couleur. « Les électeurs de couleur sont systématiquement confrontés à des temps d’attente plus longs le jour du scrutin – des files d’attente qui seraient exacerbées par la suppression d’options alternatives, comme le vote par correspondance ou des heures de vote anticipé étendues », affirme cette étude.
« La démocratie américaine n’a jamais été conçue pour être démocratique », a estimé Louis Menand, professeur à l’université de Harvard, dans une tribune publiée dans le magazine The New Yorker en août.
« Les tactiques partisanes de redécoupage des circonscriptions électorales que sont le craquage et le tassement ne sont pas simplement des défauts du système : elles sont le système », a-t-il ajouté.
POLITIQUE DE L’ARGENT
« Il y a deux choses qui sont importantes dans la politique (américaine). La première est l’argent et je ne me souviens plus de la deuxième », a déclaré Mark Hanna, qui avait aidé William McKinley à remporter deux fois les élections présidentielles américaines.
Dans les élections à l’américaine, les candidats doivent dépenser une fortune pour accroître leur influence. La tenue de campagnes électorales, le lancement de campagnes publicitaires et la distribution de brochures publicitaires nécessitent des tonnes d’argent liquide.
Les élections aux Etats-Unis sont devenues un commerce du pouvoir et de l’argent, dans lequel le processus de vote est une couverture pour conférer du pouvoir aux capitalistes. Le prétendu « une personne, un vote » inscrit dans la démocratie américaine est en fait « un dollar, un vote ».
L’argent a gagné un plus grand contrôle sur la politique des Etats-Unis après les décisions de la Cour suprême en 2010 et 2014, qui ont levé les restrictions financières et permis aux entreprises et autres groupes extérieurs de dépenser des fonds illimités pour les élections. L’ancien président américain Jimmy Carter a un jour admis que les Etats-Unis étaient une oligarchie plutôt qu’une démocratie.
Le site d’Internet américain OpenSecrets indique que le coût total des élections fédérales de mi-mandat de 2022 devrait dépasser 9,3 milliards de dollars. Plus de 4,8 milliards ont été déjà dépensés pour ces élections, ce qui met les dépenses pour les élections fédérales en passe de dépasser le record de 7,1 milliards de dollars pour les élections de mi-mandat de 2018, ajusté à l’inflation.
Après avoir pris le pouvoir, les politiciens veulent aussi obtenir une part du gâteau. En septembre, une analyse du New York Times a révélé « qu’au moins 97 membres actuels du Congrès ont acheté ou vendu des actions, des obligations ou d’autres actifs financiers qui recoupaient leur travail au Congrès ou ont signalé des transactions similaires effectuées par leur conjoint ou un enfant à charge ».
Ce qui est plus préjudiciable, c’est la « porte tournante » ancrée dans la société américaine. De nombreux politiciens et hauts fonctionnaires américains sont issus du secteur des affaires, et beaucoup d’entre eux retournent dans le secteur privé pour occuper des emplois bien rémunérés après avoir quitté leur poste ou leur fonction. Certains ouvrent même leur propre société offrant des services de lobbying ou de conseil en mettant à profit leur expérience au sein du gouvernement.
« La corruption aux Etats-Unis ne provient pas du fait que les titulaires de fonctions se mettent de l’argent dans la poche », a estimé Fred Wertheimer, avocat et militant américain connu pour son travail sur la réforme du financement des campagnes.
« Il s’agit d’une corruption systémique du processus lui-même. Lorsque vous avez affaire à des milliards et des milliards de dollars, dont une grande partie est consacrée à l’achat d’influence, cela submerge le système, et il est beaucoup plus difficile de se défendre et de maintenir la représentation des Américains ordinaires ».
Gary Younge, professeur de sociologie à l’université de Manchester, a un jour fait remarquer que les dollars jouent un rôle décisif dans la politique américaine. Il a écrit : Elections américaines : peu importe pour qui vous votez, l’argent gagne toujours ».
En 1863, le gouvernement démocratique idéal des Etats-Unis a été dépeint par le président américain de l’époque, Abraham Lincoln, dans son discours historique de Gettysburg comme le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Plus de 150 ans plus tard, la feuille de vigne de la démocratie ne peut plus couvrir la corruption du système politique américain. Kishore Mahbubani, un universitaire singapourien, l’a bien exprimé dans son livre The Asian 21st Century. « Les Américains sont fiers de leur système politique démocratique. Mais les faits montrent que les Etats-Unis ressemblent de plus en plus à une ploutocratie, où règne un gouvernement des 1%, par les 1%, pour les 1% ».
Elle est tout sauf la démocratie, elle a tendance à virer à une dictature