Ce coup de force et l’imbroglio politique qui risque de s’ensuivre promet de compliquer le travail des diplomates et militaires français. « Il faut se concentrer sur le retour d’un pouvoir civil et de l’état de droit, avec une autre priorité: ne pas perdre l’engagement dans la lutte contre le terrorisme », estime l’Elysée.
Le départ forcé d’Ibrahim Boubacar Keïta prive Paris de l’un de ses interlocuteurs au Sahel depuis 2013. Car le Mali l’ex-puissance coloniale concentre la majeure partie des efforts militaires français. Quelque temps après ce coup de force, le président Emmanuel Macron a estimé que « la lutte contre les groupes terroristes et la défense de la démocratie et de l’État de droit sont indissociables ». « En sortir, c’est provoquer l’instabilité et affaiblir notre combat. Ce n’est pas acceptable », a-t-il poursuivi Twitter, en appelant à ce que le pouvoir soit « rendu aux civils ».
Mauvaise passe en France
Selon des spécialistes, la situation du Mali plonge la France dans un éternel recommencement « Aujourd’hui, d’une certaine manière c’est un retour à la case départ« , juge Jean-Hervé Jezequel, spécialiste du Sahel chez International Crisis Group. « Huit années d’efforts, d’investissement, de présence pour au fond revenir à la situation du Mali au moment du coup d’Etat de 2012, avec une situation aussi confuse à Bamako, des insurrections armées plus violentes et des violences intercommunautaires accrues« .
En outre, « Ce coup d’Etat est un revers pour la France« , qui a lourdement investi depuis sept ans pour tenter d’aider le Mali à sortir de l’ornière, renchérit Michael Shurkin, du centre de réflexion américain RAND. « En même temps, cela pourrait en théorie avoir une issue favorable à terme si cela permet d’installer un gouvernement qui fonctionne mieux, plus légitime« , souligne-t-il, en faisant valoir que « le Mali sous IBK faisait peu, voire pas de progrès » sur le plan sécuritaire.
Menace de la coopération militaire
« Pour les militaires français, les choses vont être un peu plus compliquées« , commente Michel Goya, colonel français à la retraite. « Les opérations peuvent continuer, on peut les mener en autonomie, mais la coopération avec les forces maliennes risque de subir un coup d’arrêt. Et les groupes armés vont peut-être essayer de profiter de la situation pour étendre leur action« , prévient-il.
Parallèlement, alors que Paris s’évertue depuis des mois à convaincre l’Europe de lui prêter main forte au Sahel, « je ne serais pas surpris que cela refroidisse quelque peu les ardeurs des partenaires européens, déjà un peu réticents, sur Takuba et d’autres projets, de même que le G5 Sahel« , estime Elie Tenenbaum, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
FRANCE DEGAGE DE L’AFRIQUE.