Malgré un moratoire depuis 1991, le chef de l’Etat Kaïs Saïed s’est prononcé pour la peine capitale après l’assassinat d’une jeune femme. Des ONG crient au scandale.
Rahma, 29 ans, disparue à la sortie de son travail, a été retrouvée la semaine dernière près de Tunis. Le suspect arrêté affirmé l’avoir tuée et avoir volé son téléphone, rapporte RFI. Malgré le moratoire depuis 1991, le chef de l’Etat Kaïs Saïed s’est prononcé pour la peine capitale après ce crime crapuleux.
« Il semble que le tueur (présumé, NDLR) avait déjà tué quelqu’un auparavant et avait été gracié », a commenté le président Kaïs Saïed. « Nous lui fournirons toutes les conditions de légitime défense, mais s’il est prouvé qu’il a tué une ou plusieurs personnes, je ne pense pas que la solution soit (…) de ne pas appliquer la peine de mort », a-t-il ajouté.
Avalanche de réactions
L’assassinat avait déclenché une avalanche de réactions, notamment sur les réseaux sociaux. Mais des ONG comme la Ligue des droits de l’homme ont rappelé que la peine de mort était une atteinte aux droits. Chokri Latif, le président de la Coalition tunisienne contre la peine de mort, estime que le président de la République a dépassé ses prérogatives.
« Pour moi l’intervention du président de la République ne devait pas se faire de cette manière. En tant que garant de la Constitution, il devrait en premier lieu respecter le système politique tunisien, qui est basé sur la séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif ne doit pas s’immiscer dans la sphère du pouvoir de la justice », estime-t-il.
La peine de mort dans le Coran
Chokri Latif ajoute qu’en République, la référence est la Constitution. « Et il ne doit pas s’instaurer lui-même en tant que juge pour dire que telle ou telle personne dont l’affaire est en instruction est un criminel, et prononcer un verdict à son encontre, la peine de mort. Autre chose : nous, nous sommes une République dont la référence est la Constitution. Et lui, il se référait à la charia. Il dit : « voilà le texte clair et net auquel je me réfère pour le rétablissement de la peine de mort, c’est le Coran. » Et il a donné le verset. On ne baisse pas les bras malgré les menaces. On me menace moi-même de viol, moi et les membres de ma famille. Clairement, ils l’écrivent, ils n’ont pas peur sur les réseaux sociaux. Ces menaces-là ne nous feront pas baisser les bras. »