L’armée ivoirienne pourrait-elle se mêler sur le devant de la scène comme elle l’a fait au Mali, le 18 août dernier. Sûrement que cette question a caressé l’esprit d’Alassane Ouattara.
L’élection présidentielle est dans moins d’un mois mais certains craignent de revivre le traumatisme de 2010-2011. Car depuis qu’Alassane Ouattara a annoncé, qu’il briguerait un troisième mandat, la tension est montée d’un cran.
A cela s’ajoutent des manifestations qui ont fait une dizaine de morts dans plusieurs localités (Bonoua, Divo, Gagnoa…). Face à ce qu’elle considère comme une « forfaiture » du président sortant, l’opposition a haussé le ton en appelant les Ivoiriens à la « désobéissance civile » pour empêcher une candidature « illégale et illégitime ».
L’armée au centre des toutes les attentions
« À chaque période de tension qui a précédé ou suivi une élection présidentielle, comme en 2000 ou 2010, l’armée a joué un rôle majeur. Il est donc légitime de s’interroger sur son comportement dans les semaines à venir si la situation devait se dégrader », estime Arthur Banga. Il est professeur d’histoire à l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan.
L’armée ivoirienne pourrait-elle se mêler sur le devant de la scène comme elle l’a fait au Mali, le 18 août dernier. Sûrement que cette question a caressé l’esprit d’Alassane Ouattara, qui s’est impliqué pour tenter de permettre à son homologue malien de revenir au pouvoir.
« Le contexte actuel n’est pas le même qu’en 2010. Mais si la situation devient intenable, il ne faut pas exclure que des militaires puissent être tentés de prendre leurs responsabilités et de jouer leur propre carte », analyse un observateur de l’armée ivoirienne.
Un chef de l’Etat à l’écoute de l’armée
Depuis Paris, les sorties de Guillaume Soro ne contribuent à calmer la pression. Le 17 septembre, lors d’une conférence de presse dans un palace de la capitale française, l’ancien président de l’Assemblée nationale a confié qu’il n’y « aurait pas d’élection le 31 octobre ».
À Abidjan, l’entourage du chef de l’État se méfie de de l’ancien chef des Forces nouvelles (FN). « Quand un ancien chef rebelle, avec tout le passif et les méthodes qu’on lui connaît, tient un tel discours, on est obligé de faire attention », estime un haut responsable du régime. « Il ne faut pas non plus oublier que s’il est actuellement en exil à Paris, c’est parce qu’il a déjà tenté une opération de déstabilisation », ajoute un proche du président.
Il y a trois ans, lorsque des mutineries ont éclaté dans plusieurs villes du pays, Guillaume Soro avait déjà été accusé par le premier cercle de Ouattara. La majorité des 8 400 mutins étaient alors d’anciens membres de la rébellion des FN, intégrés dans l’armée après la crise postélectorale de 2011.
Cet épisode a fait frémir le régime pendant plusieurs semaines, rappelant que l’armée n’était pas totalement sous contrôle. Depuis lors, le président lui porte une attention particulière. Les importantes primes – 18 millions de FCFA (27 440 euros) par personne – qui leur avaient été promises pendant la crise en 2011 ont été payées aux mutins.
Aussi, Alassane Ouattara est davantage à l’écoute des haut-gradés, qui réclamaient la nomination de professionnels aux postes de commandement. Il a écarté des ex-rebelles en douceur et a confié plusieurs postes opérationnels à des militaires de carrière.
Malgré sa rupture avec Ouattara et son absence de Côte d’Ivoire depuis 2019, Guillaume Soro a encore certains obligés dans l’armée. Mais la plupart savent aussi ce qu’ils doivent au pouvoir en place, qui les a largement dorlotés.