Les Guinéens se rendent aux urnes dimanche dans le cadre d’une élection tendue où le président octogénaire Alpha Condé cherche à prolonger son règne pour un troisième mandat, s’attirant de vives critiques de la part des opposants qui disent qu’il enfreint la loi en se présentant à nouveau.
Condé est devenu le premier dirigeant démocratiquement élu du pays d’Afrique de l’Ouest en 2010, apportant l’espoir de progrès après des années de dictature et de régime militaire.
Les critiques affirment qu’il a poursuivi cette tradition autoritaire par des mesures de répression mortelles contre la dissidence et la négligence du citoyen ordinaire.
Lors d’un référendum en mars, les électeurs ont approuvé des modifications de la constitution qui, selon M. Conde, ont remis à zéro le temps de sa présidence.
Cette décision a été considérée par les experts comme un revers pour les progrès démocratiques dans une région qui avait fait des progrès pour se défaire de son image de « ceinture de coup d’État » de l’Afrique.
En Côte d’Ivoire voisine, le président Alassane Ouattara brigue également un troisième mandat, ce qui soulève des préoccupations similaires, tandis que le Mali, voisin du nord-est de la Guinée, a connu un deuxième coup d’État militaire en moins d’une décennie.
Au moins 30 personnes ont été tuées lors d’affrontements avec les forces de sécurité lors de manifestations contre la tentative de Condé d’étendre son règne.
Onze candidats se disputent le siège de cet homme de 82 ans, qui dit avoir besoin d’un nouveau mandat pour mener à bien de grands projets miniers et d’infrastructure.
Il attribue son échec à l’épidémie d’Ebola de 2013-16 et aux manifestations récurrentes de l’opposition, au cours desquelles environ 200 personnes ont été tuées depuis 2010.
Pendant sa présidence, la Guinée a fait des progrès dans l’exploitation de ses richesses minérales, notamment en approuvant les plans de développement de la mine de fer géante de Simandou. Le produit intérieur brut a doublé, la production de bauxite a triplé.
Cependant, de nombreux Guinéens sont frustrés que les richesses minérales n’aient pas permis d’éradiquer les fréquentes coupures de courant et le chômage, ni d’augmenter les salaires.
« Je ne compte pas rester président à vie », a-t-il déclaré à Radio France International le 6 octobre, refusant de dire si ce serait son dernier mandat s’il gagnait.
Une réthorique dangereuse
Son principal adversaire, Cellou Dalein Diallo, un ancien premier ministre qui a perdu contre Condé aux élections de 2010 et 2015, a déclaré aux journalistes lundi que Condé était animé par l’ambition de rester au pouvoir.
Diallo, 68 ans, a déclaré que grâce au référendum de mars, Condé a centralisé le pouvoir, ajoutant qu’il avait également manipulé la liste électorale en sa faveur.
« Les conditions pour une élection équitable ne sont pas réunies », a déclaré M. Diallo. « Les électeurs n’ont pas pu vérifier s’ils sont inscrits ou non ».
Les deux dirigeants ont rallié leur base ethnique au cours de la campagne en utilisant une rhétorique à connotation ethnique qui a suscité des inquiétudes quant aux violences post-électorales.
« Les dirigeants politiques doivent comprendre que l’élection doit avant tout assurer la paix et la stabilité », a déclaré Idrissa Camara, résident de Conakry. « Celui qui gagne doit savoir que tout ce que les Guinéens veulent, c’est une meilleure éducation, des emplois, un meilleur cadre de vie, la sécurité et un environnement sain ».
Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a mis en garde dans une déclaration la semaine dernière contre le risque d’escalade de la violence par le biais de discours de haine.
Il y a eu des appels diviseurs aux affiliations ethniques pendant la campagne, a-t-elle dit, en particulier des références aux ethnies Malinke et Peuhl.
« Compte tenu de l’histoire de la violence intercommunautaire en Guinée, je suis profondément inquiète de la rhétorique si dangereuse des dirigeants politiques », a déclaré Bachelet.
Le Rassemblement du peuple guinéen de Condé, au pouvoir, bénéficie du soutien de son ethnie malinké, tandis que l’Union des forces démocratiques de Guinée de Diallo bénéficie d’un fort soutien de la communauté peule. Les Malinkés représentent environ 35 % de la population guinéenne et les Peuhls environ 40 %.
Diallo a fait le serment de ne pas partir en douce s’il y a irrégularités en faveur de Condé.
« Nous allons nous battre pour gagner. Et quand nous gagnerons, s’il essaie de voler, s’il veut la guerre, il l’aura », a déclaré M. Diallo à ses partisans.
Avec Reuters