Après 13 ans, la mission de paix conjointe des Nations unies et de l’Union africaine dans la région du Darfour a pris fin le 31 décembre. Depuis lors, plus de 200 personnes sont mortes en trois jours seulement, dans ce qui a été décrit comme un nouvel épisode de violence intercommunautaire. Beaucoup craignent qu’avec le départ des forces internationales, la situation ne s’aggrave dans les mois à venir.
Africanews s’est entretenu avec Maiwen Ngalueth, directrice de l’Appel de Genève pour le Soudan et le Sud-Soudan.
Quelle est la cause de cet épisode de violence intercommunautaire au Darfour ?
L’épisode de violence que nous voyons aujourd’hui au Darfour n’est pas quelque chose de nouveau en soi. Il s’agit plutôt d’une continuation de ce qui se passe dans cette région depuis un certain temps déjà. Comme nous le savons, le conflit se réduit maintenant grâce au processus de paix, où la plupart des groupes armés non étatiques de la région ont en fait rejoint le gouvernement de Khartum.
Mais à l’autre niveau, il y a aussi l’élément de la violence communautaire qui ne peut être séparé de la dynamique politique dans la région. Ces dynamiques, bien sûr, continuent à créer des tensions dans la région et à mener à ce genre de conflit sanglant que nous voyons.
La situation actuelle est-elle en quelque sorte un héritage de la politique de l’ancien dirigeant soudanais Omar al-Bashir dans l’Etat du Darfour ?
Pour nous, en tant qu’Appel de Genève, ce que nous pouvons définitivement confirmer, ce que nous voyons sur le terrain, c’est que la situation n’a pas tellement changé en ce qui concerne la protection des civils, même s’il y a une volonté politique au sein du gouvernement actuel de renforcer la protection des civils sur le terrain. Le processus de paix qui se déroule dans le pays n’a pas mis fin à la violence.
Et ce pour quoi nous sommes ici, c’est pour soutenir les efforts du gouvernement et de la communauté internationale maintenant que la mission des Nations Unies est hors de la région, pour soutenir ces efforts et essayer de renforcer la capacité des autorités. Qu’il s’agisse des autorités gouvernementales ou des groupes armés non étatiques, pour assurer la protection des civils. En aucun cas, les civils ne doivent être pris pour cible.
Avec le retrait de la mission de paix conjointe des Nations unies et de l’Union africaine, les forces de sécurité soudanaises vont prendre en charge la protection des civils dans la région. Mais auront-elles la capacité de le faire ?
Nous pouvons le constater aujourd’hui, ce n’est pas une tâche facile. Et même dans les situations où vous avez un processus de paix stable et fort, vous avez toujours des problèmes de protection des civils.
Avec les gens que nous rencontrons ici à Khartoum, nous voyons une réelle volonté politique. Que ce soit du côté du gouvernement ou des groupes non étatiques qui ont signé un processus de paix, nous constatons une réelle volonté de renforcer la protection des civils dans la région.
Le gouvernement a ouvert ses bras à la communauté internationale. L’Appel de Genève, n’a pas été opérationnel à l’intérieur du pays pendant les 20 dernières années. Cependant, maintenant que la situation a changé dans le pays, nous avons été accueillis par les autorités ici. Et ce qu’il faut, c’est un peu plus d’efforts, plus de soutien de la part de la communauté internationale
Ce que nous constatons également de l’autre côté, c’est que les besoins sont bien plus importants que les ressources disponibles. Et c’est pourquoi l’appel de Genva est ici. C’est pourquoi la communauté internationale devrait faire partie du processus pour soutenir les autorités locales, soutenir le peuple du Darfour, en assurant une protection adéquate et intense pour tous les civils de la région.
Peut-on rester optimiste quant à la mobilisation internationale pour la paix au Darfour ?
C’est un tournant pour le pays, et ce n’est pas une situation qui peut être considérée comme acquise dans un pays comme le Soudan où le conflit fait rage, je dirais, depuis 30 ans. Ce qui serait plus important, c’est la protection des civils.
Prenez en considération le fait que la nouvelle mission des Nations Unies n’a pas de composante de protection des civils. C’est une lacune énorme. C’est pourquoi des organisations comme l’Appel de Genève et leur présence au Soudan est très, très nécessaire. Mais j’ai bon espoir, au vu de la dynamique que nous observons aujourd’hui, que les choses évolueront vers le positif.