Trois hommes ont été jugés lundi à Paris pour l’attentat à la bombe contre un camp militaire français en Côte d’Ivoire en 2004, qui a tué neuf soldats et déclenché de furieuses représailles de la part des Français, provoquant une profonde rupture dans les relations franco-ivoiriennes.
Mais aucun des suspects n’était présent au tribunal et l’on ignore où ils se trouvent.
Deux avions de chasse ivoiriens ont été impliqués dans l’attaque du 6 novembre 2004 contre les forces françaises de maintien de la paix à Bouaké, qui se trouvait alors en territoire tenu par les rebelles.
Volant à basse altitude, l’un des avions a tiré des roquettes sur le camp, tuant neuf soldats et un travailleur humanitaire américain. Quarante autres personnes ont été blessées.
L’attaque a eu lieu lors d’une offensive aérienne menée par le président ivoirien de l’époque, Laurent Gbagbo, pour tenter de reconquérir le nord du pays, aux mains des rebelles depuis 2002.
La France a réagi avec fureur en éliminant toute la flotte d’avions militaires de la Côte d’Ivoire, portant un coup sévère à la tentative de Laurent Gbagbo de mettre fin à la rébellion.
Les relations entre la France et son ancienne colonie, déjà tendues, se détériorent rapidement.
De violentes manifestations anti-France éclatent dans le sud nationaliste.
La France, craignant pour la sécurité de ses ressortissants en Côte d’Ivoire, a transporté par avion des milliers d’expatriés en lieu sûr.
Nous voulons la vérité
Lundi, l’un des deux mercenaires bélarussiens accusés d’avoir mené le raid sur le camp de Bouake, Yury Sushkin, a été jugé pour meurtre, ainsi que deux copilotes ivoiriens, Ange Magloire Gnanduillet Attualy et Patrice Ouei.
Tous trois faisaient partie des membres de l’équipage filmés par les caméras après l’atterrissage sur un aéroport près de la capitale Yamoussoukro, à la suite du bombardement.
S’ils sont reconnus coupables, ils risquent une peine maximale de prison à vie, mais comme on ne sait pas où ils se trouvent, il est peu probable qu’ils purgent une peine de prison en France.
Les proches des victimes espèrent surtout que le procès fournira des indices sur les commanditaires et les raisons de l’attaque contre les forces françaises.
Des responsables proches de Gbagbo, qui a été renversé par les forces rebelles soutenues par la France en 2011, ont affirmé que le pilote avait confondu le camp français avec des positions rebelles.
Mais certains soupçonnent qu’il s’agissait d’une attaque délibérée, visant à ouvrir la voie aux forces de Gbagbo pour prendre d’assaut le territoire tenu par les rebelles, ou même que la France elle-même a orchestré l’attaque contre ses forces pour avoir un prétexte pour tenter de chasser Gbagbo du pouvoir.
Parmi les nombreuses questions qui planent sur cette affaire, on peut se demander pourquoi la France a rejeté une offre de remise de Sushkin lorsqu’il a été arrêté au Togo, pays limitrophe de la Côte d’Ivoire, quelques jours après la frappe aérienne.
« Nous voulons apprendre la vérité », ont déclaré à l’AFP les enfants de l’une des victimes de l’attaque, Philippe Capdeville, ajoutant : « Le silence des autorités françaises sur cette affaire est dramatique ».