Le président français Emmanuel Macron se rendrait à Kigali dans les prochaines semaines, suite à un rapport qu’il a commandé et qui jette une lumière crue sur le rôle présumé de la France dans le génocide rwandais de 1994.
Si Macron espérait que le rapport mettrait fin à la controverse sur les actions de la France, il semble maintenant faire le contraire. On se souvient d’une cérémonie organisée à Paris il y a quelques années, pour commémorer un nouveau mémorial dédié aux quelque 800 000 victimes du génocide rwandais.
Le mémorial n’a pas suffi à mettre fin à un chapitre sombre des relations franco-rwandaises. Aujourd’hui, il n’est pas certain qu’un nouveau rapport d’historiens français y parvienne également. Les réactions au rapport Duclert sur le rôle de la France dans le génocide ont afflué cette semaine.
Ce rapport, basé sur deux années de recherche, porte le nom de Vincent Duclert, qui a dirigé la commission d’enquête composée de 14 historiens. Il conclut que Paris, sous la direction de l’ancien président François Mitterrand – qui était proche du gouvernement dirigé par les Hutus qui a perpétré le génocide – porte une grave responsabilité dans le massacre des Tutsis et des Hutus modérés au Rwanda entre avril et juillet 1994.
Toutefois, elle a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que la France ait été complice de cette tuerie. L’historien Duclert a déclaré à France 24 que Mitterrand était aveuglé par la volonté d’étendre l’influence post-coloniale de la France au Rwanda et qu’il voyait les événements à travers un prisme ethnique. Mitterrand avait des liens étroits avec le président hutu du Rwanda, Juvénal Habyarimana, que le rapport décrit comme raciste, corrompu et violent. Sa mort dans un accident d’hélicoptère a déclenché le génocide.
Les membres de la commission étaient des historiens et non des juges, a précisé M. Duclert. Bien qu’aucun document ne démontre que la France a voulu un génocide, il est important de s’interroger sur l’aveuglement et la lourde responsabilité du pays. La France et le Rwanda ont longtemps échangé des accusations sur les massacres. L’ancien président Nicolas Sarkozy avait précédemment admis que la France avait commis des erreurs.
Aujourd’hui, le Rwanda qualifie le rapport Duclert d’avancée. Le principal journal français, Le Monde, l’a qualifié de « pas décisif sur le chemin de la vérité ».
Fondé sur des câbles, des documents et d’autres éléments provenant d’archives gouvernementales, le rapport d’environ 1 000 pages examine le rôle de la France avant et pendant le génocide, notamment l’opération militaire et humanitaire controversée « Turquoise ». Kigali devrait bientôt publier son propre rapport sur le génocide. Mais au lieu de clore ce chapitre, le rapport Duclert a déclenché des réactions mitigées et un examen de conscience ici.
L’ancien ministre français des affaires étrangères, Hubert Vedrine, l’un des principaux collaborateurs de Mitterrand pendant le génocide, qualifie le rapport d’important. Mais dans une interview à Radio France International, il a contesté que la France ait été aveugle aux avertissements d’un massacre imminent. Il a déclaré que le pays essayait simplement de préserver la paix.
D’autres ont déclaré que le rapport n’allait pas assez loin. Selon eux, des documents datant de l’époque du génocide manquent ou ont été détruits, et la commission a laissé de nombreuses questions sans réponse.
L’association Survie, un groupe français très critique à l’égard de la domination coloniale de la France, a qualifié le rapport de superficiel.
Son porte-parole, David Martin, a déclaré : « Il faut d’abord que la France reconnaisse sa complicité et présente ses excuses au peuple rwandais et au gouvernement rwandais. Deuxièmement, il devrait y avoir un procès pour les personnes qui ont pris des décisions (pendant 1994), qui ont aidé à prendre des décisions. Il y a encore des gens qui sont en vie aujourd’hui… Il est très important que justice soit faite ».
L’association de Martin a déposé plusieurs plaintes judiciaires liées au génocide. Mais la procédure est lente et coûteuse, dit-il. Il doute que les tribunaux français aient le goût de s’attaquer au passé controversé du pays.