Le président français Emmanuel Macron a une fois de plus eu recours au franc-parler comme outil de stratégie diplomatique, en visant cette fois le président de la République centrafricaine (RCA).
Il a décrit Faustin-Archange Touadéra comme un « otage » de Wagner, un entrepreneur militaire russe qui aide le gouvernement centrafricain à combattre les rebelles menaçant d’envahir la capitale, Bangui.
Paris est également irrité par les messages antifrançais diffusés sur les réseaux sociaux par des sources proches de M. Touadéra, qui attisent le ressentiment contre l’ancienne puissance coloniale.
C’est l’intervention des troupes françaises et africaines en 2013 qui a sauvé la RCA d’un conflit civil potentiellement génocidaire et créé les conditions pour les élections démocratiques qui ont porté M. Touadéra au pouvoir en 2016.
Mais la RCA s’appuie désormais largement sur l’expertise militaire russe et a également signé des accords miniers avec la Russie, lui permettant d’explorer l’or, les diamants et l’uranium.
Mal à l’aise face à cette embardée vers Moscou et irrité par la rhétorique anti-française, M. Macron a suspendu son soutien budgétaire au gouvernement de la RCA.
M. Macron a également conclu qu’un avertissement public brutal était nécessaire, par le biais d’une interview désormais largement diffusée du 30 mai au Journal du Dimanche (JDD).
Ses paroles franches n’ont pas rencontré de réponse directe, bien que le gouvernement de M. Touadéra affirme que son arrangement se fait avec le ministère de la défense russe plutôt qu’avec Wagner.
Mais le chef d’État centrafricain n’a pas été la seule cible de son franc-parler.
Il a averti le Mali – où le vice-président par intérim, le colonel Assimi Goïta, a organisé un nouveau coup d’État pour déposer le président et le premier ministre – que les troupes françaises déployées pour aider à la lutte contre les islamistes militants pourraient être retirées si l’État ouest-africain s’engageait sur la voie du radicalisme islamiste.
L’interview du JDD a été largement relayée par les médias francophones. M. Macron sait certainement comment attirer l’attention.
Tout en mettant en garde les dirigeants de la transition malienne contre un accord de complaisance avec les djihadistes, ses commentaires visaient peut-être aussi à rassurer les électeurs maliens sur le fait que les troupes françaises présentes dans la région du Sahel ne sont pas appelées à risquer leur vie en vain.
Le style de M. Macron contraste certainement avec le réseautage clubby qui caractérisait autrefois une grande partie des relations entre les présidents français et les élites politiques africaines – une culture parfois complaisante, résumée par le terme Françafrique.
Cette culture avait tendance à renforcer le pouvoir en place plutôt que de répondre à des demandes plus larges de réforme ou de développement social et économique.
Le style « arrogant » de Macron
M. Macron a affronté les problèmes africains de front, et avec un degré d’ouverture bien plus élevé. Il n’a pas peur de plaider publiquement en faveur du changement.
Cela peut certainement produire des résultats, comme l’a illustré sa visite de la semaine dernière au Rwanda, où il a admis sans détour les manquements de la France à l’approche du génocide de 1994, dans un geste visant à jeter les bases d’une nouvelle relation qui dépasse l’amertume de l’histoire passée.
Mais son style personnalisé, avec son langage direct et son impatience occasionnelle à l’égard du protocole diplomatique, est un numéro de haute voltige qui peut paraître arrogant.
Les quatre années d’engagement présidentiel avec l’Afrique ont été marquées par des incidents sporadiques d’offense ou d’autoritarisme qui alimentent le sentiment toujours combustible de ressentiment envers la France en tant qu’ancienne puissance coloniale, en particulier chez les jeunes Africains.
Restitution des objets pillés
Mais ces quatre années ont également été marquées par une volonté courageuse de s’attaquer de manière proactive aux questions délicates et d’explorer de nouvelles façons de faire les choses.
M. Macron a chargé des universitaires de rédiger trois rapports indépendants sur le comportement de la France : pendant le sanglant conflit pour l’indépendance de l’Algérie, le génocide au Rwanda et la restitution éventuelle à l’Afrique d’objets historiques et culturels emportés en France pendant l’ère coloniale.