Des instructeurs russes envoyés en République centrafricaine ont commis des « meurtres aveugles », des pillages et occupé des écoles, selon un rapport annuel de l’ONU, bien que Moscou affirme qu’ils ne sont pas armés et ne participent pas aux combats.
Les témoignages font état d’un recours excessif à la force qui constitue une violation du droit international humanitaire, selon le rapport des experts de l’ONU soumis récemment au Conseil de sécurité et consulté lundi par l’AFP.
Ces violations « commises par des soldats des FACA [forces armées centrafricaines] et des instructeurs russes comprennent des cas d’usage excessif de la force, des meurtres aveugles, l’occupation d’écoles et des pillages à grande échelle, y compris d’organisations humanitaires », indique le rapport.
Les experts ont reçu « de nombreux rapports faisant état de cas de meurtres aveugles de civils non armés par des instructeurs russes », précise le rapport, qui note leur présence dans les régions minières de la République centrafricaine.
Alors que le 18 avril, Moscou a reconnu le déploiement en République centrafricaine de « 532 instructeurs » et affirmé que ce nombre « n’avait jamais dépassé 550 », les experts « ont noté que plusieurs sources ont estimé que ce chiffre était considérablement plus élevé, allant de 800 à 2 100.
Cette estimation ne comprend pas les 600 instructeurs russes supplémentaires dont le déploiement a été annoncé à l’ONU en mai par la République centrafricaine.
Les experts ont cité « de multiples témoignages de sources locales et des FACA selon lesquels les instructeurs déployés comprenaient des personnes qui se sont identifiées comme des ressortissants de Libye, de la République arabe syrienne et d’autres pays », indique le rapport.
De nombreux témoignages provenant de multiples endroits ont également « noté la participation active des instructeurs russes aux opérations de combat sur le terrain, beaucoup ayant observé qu’ils dirigeaient souvent les FACA plutôt que de les suivre », indique également le rapport.
Le document détaille également les abus commis contre les civils par la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), créée fin 2020 et regroupant plusieurs groupes armés contrôlant de grandes parties du pays et déterminés à renverser le gouvernement centrafricain.
« Les violations généralisées du droit international humanitaire commises par les groupes affiliés à la CPC comprennent le recrutement forcé d’enfants, des attaques contre des soldats de la paix, des cas de violence sexuelle et le pillage d’organisations humanitaires », ont indiqué les experts.
La Russie dément les allégations d’exactions
Le Kremlin a fermement rejeté lundi les allégations selon lesquelles des instructeurs militaires russes en République centrafricaine auraient été impliqués dans le meurtre de civils et le pillage de maisons.
Interrogé sur ce rapport, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a catégoriquement démenti cette affirmation.
« Les conseillers militaires russes ne pouvaient pas prendre part et n’ont pas pris part à des meurtres ou des pillages », a déclaré Peskov lors d’une conférence téléphonique avec les journalistes. « C’est encore un autre mensonge ».
Lors d’une discussion animée au Conseil de sécurité de l’ONU la semaine dernière, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont accusé les contractants militaires russes de commettre des violations des droits de l’homme dans le pays frappé par le conflit.
La République centrafricaine, riche en minéraux, est confrontée à des combats interreligieux et intercommunautaires meurtriers depuis 2013. Un accord de paix entre le gouvernement et 14 groupes rebelles a été signé en février 2019, mais les violences à grande échelle se sont poursuivies.
Le président du pays soutenu par la Russie, Faustin Archange Touadera, a remporté un second mandat lors des élections de décembre, mais il a continué à faire face à la résistance des forces rebelles liées à l’ancien président François Bozize. La Russie a déployé des conseillers militaires en RCA pour former ses militaires à l’invitation du gouvernement.
La semaine dernière, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont accusé le personnel russe en RCA de commettre des abus contre les civils et d’entraver les opérations de maintien de la paix de l’ONU – des accusations que la Russie a vivement démenties.
Les puissances occidentales ont établi un lien entre le personnel russe en RCA et le célèbre Wagner Group, une société de sécurité privée qui serait liée à Evgeny Prigozhin, un homme d’affaires qui a été inculpé aux États-Unis pour ingérence dans l’élection présidentielle de 2016.
Des entreprises liées à Prigozhin auraient également obtenu de lucratifs contrats miniers en RCA. En 2018, trois journalistes russes ont été tués en RCA alors qu’ils enquêtaient sur les activités de Wagner dans ce pays, et aucun suspect n’a été retrouvé.
Prigozhin a gagné le surnom de « chef de Poutine » pour avoir accueilli le président russe Vladimir Poutine et ses invités étrangers dans son restaurant et avoir assuré la restauration d’événements importants au Kremlin.