Un drame juridique sans précédent s’empare de l’Afrique du Sud, alors que l’ancien président Jacob Zuma exhorte les tribunaux à bloquer l’échéance de minuit fixée à la police pour l’arrêter.
M. Zuma, 79 ans, a été contraint de démissionner en 2018 après neuf ans au pouvoir.
La semaine dernière, la Cour constitutionnelle sud-africaine l’a condamné à une peine de 15 mois de prison pour outrage à la justice, après qu’il ne se soit pas présenté à une enquête sur la corruption.
Il n’est pas certain que la police s’en tienne à la date limite de mercredi.
En théorie, le leader vétéran devrait être entre les mains des autorités pénitentiaires à minuit heure locale (22h00 GMT), ayant déjà refusé de se rendre dimanche.
Mais mardi, ses avocats ont demandé à la Haute Cour de Pietermaritzburg d’interrompre l’arrestation, et le jugement ne doit être rendu qu’à 11 h 30, heure locale, vendredi.
La police va-t-elle agir contre Zuma ou non ?
Avant l’audience de mardi, les avocats de la police ont déclaré à la Cour constitutionnelle qu’ils allaient suspendre l’ordre d’arrestation en raison de la « situation unique présentée par les développements et la matrice juridique en cause ».
Cela pourrait les amener à attendre pour détenir M. Zuma que ses options légales soient épuisées.
L’ex-président pourrait également tenter de négocier une libération sous caution.
Cependant, d’autres intervenants soulignent que le mandat d’arrêt est toujours valable.
Le ministre de la police, Bheki Cele, a déclaré au site d’information sud-africain News24 qu’il pensait que les tribunaux sud-africains avaient jeté la police en pâture et qu’ils avaient « brouillé » un jugement « très clair » en autorisant la poursuite des actions en justice de M. Zuma. Les appels des jugements de la Cour constitutionnelle ne sont normalement pas autorisés.
A la question de savoir s’il pourrait lui-même avoir des ennuis s’il n’exécutait pas le mandat d’arrêt, le ministre a répondu : « Je ne suis pas prêt à être accusé d’outrage à la Cour ».
Son porte-parole a ajouté mercredi : « Si nous n’avons pas de nouvelles de la Cour constitutionnelle – ce qui n’est pas le cas pour l’instant – nous avons jusqu’à minuit ce soir pour exécuter l’ordre. »
Les partisans jurent de bloquer l’arrestation
Bien que M. Zuma ait été évincé du pouvoir par son propre parti, le Congrès national africain (ANC), il conserve un groupe de partisans fidèles, notamment dans sa province natale du KwaZulu-Natal.
L’Afrique du Sud n’a jamais vu un ancien président emprisonné auparavant, et ils sont déterminés à ce que celui que l’on surnommait autrefois le « président Teflon » pour ses capacités de survie ne soit pas le premier.
Dimanche, la foule a formé ce qu’elle a appelé un bouclier humain devant la résidence palatiale de M. Zuma.
Nomsa Maseko, de la BBC, présent sur les lieux, a noté que le rassemblement était illégal en vertu de la réglementation Covid-19 visant à freiner la propagation de la maladie.
L’absence d’intervention de la police a conduit de nombreuses personnes à se demander si l’ancien président était au-dessus des lois.
Un partisan, Lindokuhle Maphalala, a déclaré à l’AFP que si le chef de la police venait arrêter M. Zuma, « il doit commencer par nous ».
M. Zuma, un vétéran de la lutte contre la domination de la minorité blanche en Afrique du Sud, qui a été emprisonné pendant 10 ans à Robben Island aux côtés de Nelson Mandela, a déclaré qu’il était prêt à aller en prison. Il a toutefois fait valoir que « m’envoyer en prison au plus fort d’une pandémie, à mon âge, équivaut à me condamner à mort ».
M. Zuma a déclaré à plusieurs reprises qu’il était victime d’une conspiration politique. Il n’a témoigné qu’une seule fois dans le cadre de l’enquête sur la corruption concernant ce qu’il est convenu d’appeler la « capture de l’État », c’est-à-dire le siphonage des biens de l’État, et a refusé de se représenter.
Dans une affaire juridique distincte, M. Zuma a plaidé non coupable le mois dernier dans un procès pour corruption portant sur un contrat d’armement de 5 milliards de dollars (3 milliards de livres) datant des années 1990.