Le président Kais Saied, qui a assumé tous les pouvoirs exécutifs après avoir suspendu le Parlement tunisien, a lancé une offensive contre la corruption, demandant des comptes à 460 hommes d’affaires accusés d’avoir détourné des fonds sous l’ère Ben Ali.
Trois jours après avoir suspendu l’activité du Parlement pendant un mois et assumé l’ensemble des pouvoirs exécutifs, le chef de l’Etat a fustigé les « mauvais choix économiques » faits ces dernières années en Tunisie, lors d’une rencontre mercredi soir avec le président de l’Union patronale (Utica).
M. Saied, qui n’a pas encore nommé le Premier ministre, s’en est pris à « ceux qui pillent l’argent public ». Ils sont « 460 » à devoir « 13,5 milliards de dinars » (4 milliards d’euros) à l’Etat, a-t-il rappelé, citant un ancien rapport d’une commission d’enquête sur la corruption et les détournements de fonds sous l’ancien régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.
« Cet argent doit revenir au peuple tunisien », a déclaré le président. Pour cela, il compte proposer à ces hommes d’affaires un règlement judiciaire. En échange de l’abandon des poursuites, les sommes remboursées bénéficieraient aux régions les moins développées de Tunisie.
Face à l’inflation persistante qui mine le pouvoir d’achat des Tunisiens, M. Saied a également demandé aux commerçants et aux grossistes de « baisser les prix ».
Il a également appelé à une relance de la production de phosphate, l’une des rares ressources naturelles du pays. Ancien fleuron de l’économie tunisienne, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) a vu sa production s’effondrer depuis la révolution de 2011, en raison d’un manque d’investissements et de troubles sociaux à répétition.
M. Saied souhaite que « le phosphate retrouve son activité passée », et a implicitement souligné les soupçons de corruption qui entourent cette industrie, évoquant « des gens au Parlement qui se protègent avec l’immunité parlementaire ».
Dans le même temps, le président a annoncé la création d’une cellule de crise pour gérer la pandémie de Covid-19, supervisée par un officier supérieur de l’armée.
Déjà frappée par le chômage et l’inflation, la Tunisie fait face à un nouveau pic épidémique qui a provoqué la colère de la population ces dernières semaines. Le petit pays d’Afrique du Nord d’environ 12 millions d’habitants affiche l’un des pires taux de mortalité officiels au monde, avec 19 000 décès liés au nouveau coronavirus.
Après des mois de crise politique, le président Saied, dont les prérogatives sont normalement limitées à la diplomatie et à la sécurité, a pris le pouvoir dimanche en invoquant la Constitution. Une décision dénoncée comme un « coup d’État » par son principal opposant, le parti d’inspiration islamiste Ennahdha.