Un expert de l’ONU a déclaré mardi à Genève que la situation des droits de l’homme au Mali était « préoccupante », s’inquiétant des exactions imputées aux jihadistes mais aussi aux forces régulières, ainsi que des restrictions aux libertés sous la junte au pouvoir.
Le gouvernement malien s’est défendu contre ces accusations et a affirmé son engagement à assurer le respect des droits de l’homme.
« La situation des droits de l’homme reste préoccupante », a déclaré Alioune Tine, l’expert de l’ONU sur le Mali, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique et à d’autres groupes extrémistes « ont continué à commettre des assassinats ciblés, des enlèvements, des actes d’intimidation, des menaces de mort, l’imposition de taxes illégales (la Zakat) et des activités criminelles liées à l’orpaillage illégal , » il a dit. Ces groupes sont responsables de 57,20% des violations des droits de l’homme, a-t-il dit, présentant un rapport couvrant la période de mars à fin décembre 2021.
Mais il s’est également dit « gravement préoccupé par les allégations de violations graves » des droits de l’homme et du droit humanitaire imputées aux forces régulières maliennes. Il a évoqué des accusations d’exécutions sommaires, de disparitions forcées ou d’actes de torture.
Il est « également préoccupé par la poursuite des arrestations et détentions arbitraires » dans les services de renseignement, « où des personnes auraient été torturées ».
Il a exprimé sa « profonde inquiétude face au rétrécissement de l’espace civique » dont se plaignent la société civile et une partie de l’opposition. Il a notamment cité la décision de la junte à la mi-mars de suspendre la diffusion au Mali des médias publics français RFI et France 24. Les autorités leur reprochent de diffuser des informations selon lesquelles l’armée malienne serait impliquée dans des exactions contre des civils.
Il a souligné que nier catégoriquement les accusations avant d’avoir mené des enquêtes « risque de mettre en doute l’engagement international des autorités maliennes en faveur des droits de l’homme et leur volonté politique de lutter contre le cancer de l’impunité ».
Le Mali « réitère son engagement à respecter et à faire respecter les droits de l’homme malgré les défis de toutes sortes qui nous assaillent », a répondu un responsable du ministère malien de la Justice dans un message enregistré.
Quant à l’impunité, les autorités « sont déterminées (à) y mettre fin », a-t-il dit, citant sans plus de précision la tenue de procès anti-terroristes, mais aussi « le jugement de plusieurs affaires d’infractions relevant de la compétence des militaires tribunaux » ou la révision en cours du code de justice militaire.
Il a reconnu des « retards » dans les enquêtes, mais « cette situation n’est pas due à un manque de volonté politique mais plutôt à des contraintes sécuritaires et matérielles ». Il a cité la disparition des services de l’Etat et l’insécurité dans des régions comme le centre, l’un des principaux foyers de violence.
Un rapport de la mission de l’ONU au Mali (Minusma), publié après deux précédents, indiquait que sur 584 civils tués en 2021, 67 étaient morts lors d’opérations des forces de sécurité maliennes, dont un certain nombre de victimes d’exécutions sommaires ou arbitraires.
La MINUSA accuse les groupes islamistes radicaux de plus de la moitié des 584 morts civiles (331), et 122 autres de la mort de groupes de défense communautaire autoproclamés, selon un décompte de l’AFP des trois différents rapports.