Sous un soleil brûlant dans un poste de traite au Malawi, Chikumbutso Chekeni et sa femme se dirigent vers leurs hangars à tabac pour sécher leur feuille fraîchement récoltée.
Nambuma, à 35 kilomètres (20 miles) au nord-ouest de la capitale Lilongwe, était autrefois une ville agricole florissante, soutenue par de vastes entreprises de culture du tabac.
Aujourd’hui, même pendant la saison des récoltes, la ville est endormie, ce qui amène certains agriculteurs à penser à passer du tabac à la marijuana nouvellement légalisée.
Le Malawi est l’un des pays les plus pauvres du monde mais un important producteur de tabac, se classant premier au monde pour le burley et septième pour la production globale.
Aucune autre économie n’est plus dépendante de la feuille. Les statistiques gouvernementales indiquent que plus de 70 % des revenus d’exportation du pays proviennent du tabac.
« Le principal défi auquel nous sommes confrontés en tant qu’agriculteurs est le problème des prix bas, qui nous tue vraiment », a déclaré Chekeni, qui cultive du tabac depuis 22 ans.
Les revenus du tabac, surnommé «l’or vert du Malawi», ont diminué au cours de la dernière décennie en raison de la baisse de la demande mondiale entraînée par les campagnes anti-tabac.
Malgré les bas prix, il ne voit pas d’autre choix que de continuer à cultiver. C’est le seul métier qu’il connaisse.
Cette année a été particulièrement mauvaise. De faibles volumes et des prix bas dans les salles de vente aux enchères de Lilongwe ont forcé la Commission du tabac à réduire le commerce à trois jours par semaine.
Même pendant ces trois jours, les ventes ne durent qu’une heure.
« L’avenir de la culture du tabac est sombre », a déclaré le cultivateur Yona Mkandawire. « Nous devrions maintenant avoir beaucoup de tabac dans les entrepôts et plus de camions au quai de réception, mais il y a beaucoup d’espace vide ici. »
Malgré une forte baisse des revenus du tabac au fil des ans, le gouvernement du Malawi l’appelle toujours une « culture stratégique » et défend l’investissement continu du pays dans sa production.
L’année dernière, le tabac a rapporté au Malawi 173,5 millions de dollars, en baisse de 27% par rapport à l’année précédente, a indiqué la Commission du tabac.
‘L’or du Malawi’
Le directeur général de la Commission du tabac, Joseph Chidanti Malunga, a déclaré à l’AFP que la récolte de cette année sera inférieure de 50 millions de kilogrammes à ce que les acheteurs recherchent.
Mais il a insisté sur le fait que le Malawi avait besoin de tabac car c’est la seule culture qui rapporte des devises étrangères.
« Nous ne pouvons pas abandonner cela, peu importe comment », a-t-il déclaré. « Tout ce que nous faisons maintenant, c’est nous assurer que nous produisons du tabac conforme à ce que veulent les clients. »
Au cours de la première semaine de vente, les prix ont baissé de plus de 20% par rapport à l’année dernière, selon les médias locaux.
La baisse des prix a vu certains agriculteurs essayer de nouvelles cultures, y compris le cannabis récemment légalisé.
Le Malawi a légalisé la culture du cannabis à des fins médicales et industrielles en février 2020.
Falice Nkhoma, qui fait partie de la coopérative Tilitonse pour les producteurs de cannabis, a abandonné le tabac en raison de la baisse des prix.
« Je cultive du tabac burley depuis 2014… mais avec très peu d’avantages car les prix étaient toujours bas », a déclaré Nkhoma. Elle a peu à montrer pour produire le soi-disant or vert.
« Alors cette année, quand j’ai entendu dire que certaines personnes cultiveraient du cannabis, j’étais vraiment excitée. J’ai acheté les graines et j’espère que la culture du cannabis m’apportera de bons rendements », a-t-elle déclaré.
Il est temps que le Malawi diversifie son économie, a déclaré Betchani Tchereni, professeur d’économie à l’Université des affaires et des sciences appliquées du Malawi.
« Nous devons juste relancer l’économie. Si c’est du soja, alors faisons du soja. Si c’est du cannabis, alors concentrons-nous sur le cannabis », a-t-il déclaré.
Mais les licences de culture pourraient être prohibitives pour certains aspirants agriculteurs.
Les producteurs, qui opèrent en groupes d’environ 30, doivent en moyenne débourser 10 000 $ par collectif en frais de licence agricole.
Faciliter le processus d’obtention des licences de cannabis donnerait aux agriculteurs un coup de pouce immédiat.
« Il faut à peu près trois mois pour mûrir, puis boum, nous avons le forex », a déclaré Tchereni.
« Les licences ne peuvent pas être aussi chères. »
La culture du cannabis n’est pas nouvelle au Malawi, mais doit encore se développer à l’échelle industrielle.
Selon un rapport de la Banque mondiale de 2011, le chanvre du Malawi, connu localement sous le nom de «chamba» ou «Malawi Gold», fait partie des sativas «les meilleures et les plus raffinées» au monde.